Le nombre de Skoda Fabia R5 vendues depuis son lancement en 2015.
Rosovice, au cœur de la Bohême. Elle est là, pétillante, prête au départ. Sur sa terre natale, la Skoda Fabia R5 entame un dernier galop d’essai avant de continuer sa carrière uniquement aux mains de pilotes privés. Depuis son apparition en avril 2015, la bombe tchèque a tout raflé sur son passage, y compris en Suisse : Ivan Ballinari a célébré deux titres consécutifs de champion suisse à son volant, tandis que Kalle Rovanperä s’est imposé en WRC2 en 2019 à l’âge de 19 ans.
Antichambre du championnat du monde, la classe R5 n’a pas à rougir face aux WRC. Les deux principales différences concernent la puissance du moteur, inférieure d’environ 100 chevaux (300 vs 400), ainsi que l’absence d’un différentiel central piloté. Pour le reste, la Skoda Fabia R5 Evo est armée pour tous les terrains. Dotée de quatre roues motrices, tout comme la classe S2000 qu’elle remplace, elle se distingue par une polyvalence d’utilisation nettement supérieure. Au programme pour nous le démontrer, une spéciale dans les forêts tchèques composées d’asphalte défoncé, de terre et de gravier. Au volant, excusez du peu : Kalle Rovanperä, l’un des futurs favoris pour le titre mondial après avoir signé chez Toyota en 2020.
Bohemian Rapsody
Sur place, tout va très vite. Un mécanicien de Skoda Motorsport me donne une cagoule et un casque, que j’enfile prestement pendant que la Fabia ronronne au ralenti. Je chevauche l›arceau de sécurité pour m›asseoir dans le siège du navigateur, au ras du plancher. Le harnais verrouillé, Kalle Rovanperä enclenche le premier rapport de la boîte séquentielle. Le moteur hurle jusqu’à la zone rouge et l›enfer se déchaîne. La voiture s›arrache de l›immobilité si brutalement que ma boîte crânienne accuse le choc. À peine le temps de récupérer que les virages s’enchaînent déjà à haute vitesse malgré les bosses. La voiture s’envole, rugit, dérape, se raccroche aux ornières et virevolte de plus belle.
Sur la terre, la motricité est surnaturelle, au point que l›on se croirait sur un circuit. En vue de l’épingle à cheveux qui ponctue la première moitié du parcours, Kalle Rovanperä prouve sa maîtrise éclatante de la méthode finlandaise. Appel, contre-appel, pieds gauche et droit en tandem sur le pédalier, et hop, un coup de frein à main pour faire pivoter la Skoda avec une facilité déconcertante. L’accélération reprend, et seuls les battements de mon cœur rivalisent avec le tempo endiablé du jeune prodige.
Succès en tandem
Aussi courte qu’intense, la démonstration se passe de commentaires. Et dire qu’à ma place, le navigateur doit rester concentré sur ses notes, parfois pendant plus de 20 minutes… De retour au campement de Skoda Motorsport, l’ingénieur en chef Eric Mommey ne se prive pas de souligner l’importance de l’équipage dans le cocktail d’un bon résultat. « C’est plus de 50% du succès », estime le Français, qui poursuit : « Contrairement aux courses sur circuit, nous faisons très peu de tests sur simulateur car les conditions d’un rallye sont trop variées et changeantes. Nous pouvons agir sur le choix de pneus, le réglage des suspensions, les différentiels et la répartition du poids, mais c’est le pilote qui fait la différence. »
Selon le règlement de la FIA, une voiture de classe R5 doit peser au minimum 1230 kilogrammes. Plus légère, la Skoda est lestée d’une plaque de métal d’environ 100 kilogrammes en guise de fond plat, baptisée « luge » par les pilotes. En plus d’abaisser le centre de gravité, elle rend l’auto à l’épreuve des sauts les plus impressionnants. Quant à la boîte de vitesses, elle est limitée à un choix de deux sets de ratios, contre trois réglages imposés pour les différentiels avant et arrière. Les mécaniciens peuvent toutefois intervenir sur la géométrie et les amortisseurs, lorsqu’ils ne doivent pas effectuer des réparations de fortune ou dégager les accumulations de boue, neige ou graviers, dont le poids peut atteindre jusqu’à 80 kilogrammes entre deux assistances.
Dans le cadre du WRC2, Skoda Motorsport ne se prive pas de réaliser des tests grandeur nature sur des routes qui s’approchent au mieux des conditions de chaque rallye, que ce soit pour affiner le setup de la voiture ou fournir de précieux kilomètres d’entraînement à ses pilotes. « Ceci nous permet également de récolter toutes les données des capteurs homologués par la FIA, alors que c’est interdit pendant une course », précise Eric Mommey.
Chiffres élogieux
Skoda Motorsport ne compte pas enrayer le succès de la Fabia R5, vendue à plus de 320 exemplaires depuis son lancement. Malgré la récente arrivée de sa cousine en rallye, la Volkswagen Polo R5, la version Evo de la Skoda a bénéficié de nombreuses améliorations l’an dernier au niveau de la pompe à eau et du refroidissement, de même que la wastegate du turbo, la gestion moteur, les suspensions et les divers équipements de sécurité. Les 40 premiers exemplaires livrés en 2019 n’ont pas tardé à le prouver avec 23 titres nationaux dans toutes l’Europe en 2019 et sept à l’international. Qui dit mieux ?
Texte : Gilles Rossel / Photos : Skoda Motorsport