SKIN & SCIENCE

Pour la mer et la peau

Chaque année, près de 14 000 tonnes de crème solaire se déversent dans les mers et les océans. Ce qui protège notre peau des rayons UV s’avère être en fait une menace croissante pour l’environnement.

Publié le 25.03.2021

Par le passé, l’utilisation d’un écran solaire visait principalement à protéger la peau. Personne ne pensait à l’impact que les composants de ces produits pouvaient avoir sur l’environnement et plus particulièrement sur les océans. Mais les préoccupations grandissantes en matière de changement climatique, de pollution marine et de leur impact sur les écosystèmes marins fragiles ont conduit écologistes et scientifiques à passer au crible certains filtres UV.

 

De nombreux effets indésirables

On sait aujourd’hui que certains composants contenus dans les protections solaires déteriorent l’écosystème marin fragile et ses habitants, en particulier les coraux qui meurent peu à peu. Les dégradations provoquées par ces substances synthétiques sont immenses et leurs répercussions profondes. Elles causent notamment le blanchiment des coraux et, à long terme, la mort de récifs entiers. Même si les filtres UV ne sont pas considérés comme la cause principale du blanchiment des coraux, ils y contribuent de manière significative. D’autres organismes vivants marins sont aussi affectés par ces substances : leur croissance ralentit, leur capacité de reproduction se dégrade, leur progéniture est atteinte de difformités et la photosynthèse diminue. L’oxybenzone, l’octinoxate et la benzophénone figurent en tête de liste des substances classées comme nocives pour les récifs. Ces filtres UV chimiques sont parmi les substances les plus utilisées au monde dans la fabrication de protections solaires. Un exemple : la benzophénone- 2, même en faible concentration, serait mortelle pour les jeunes coraux et provoquerait leur blanchiment. Depuis les années 1960, cette substance est utilisée dans de nombreux produits cosmétiques. Les résidus s’écoulent ensuite dans les océans du monde via les systèmes d’égouts. Et des mesures effectuées sur des lieux de baignade très fréquentés ont montré que les composants des filtres UV ne se répartissent pas de manière uniforme dans l’eau mais forment des amas très concentrés et nocifs qui parcourent à leur tour de grandes distances dans les mers et océans. D’autres filtres UV chimiques tels que l’octocrylène, l’homosalate, le salicyclate d’octyle et l’ethylhexyl methoxycinnamate notamment peuvent aussi causer des dégâts. La présence d’octocrylène, par exemple, a été détectée chez diverses espèces de poissons à travers la planète entière.

 

Un problème durable

 Les chercheurs et les écologistes évaluent aussi d’un oeil critique d’autres substances telles que les parabènes et le pétrolate, une huile minérale qui nuit également aux organismes marins et met des années à se décomposer. La biodégradabilité des substances les plus variées se retrouve de plus en plus au coeur des préoccupations. Les filtres UV physiques traditionnellement utilisés dans les cosmétiques naturels doivent aussi subir un examen critique. Les filtres UV minéraux tels que l’oxyde de zinc et le dioxyde de titane sont généralement considérés comme sans danger pour les récifs, à condition qu’ils ne soient pas sous forme nanométrique. Car il a en effet été prouvé que les coraux absorbent les nanoparticules.

Se protéger du soleil avec des vêtements réduit la consommation de produits solaires et contribue ainsi à préserver l’environnement

Se protéger du soleil avec des vêtements réduit la consommation de produits solaires et contribue ainsi à préserver l’environnement

Plus c’est grand, mieux c’est

Selon l’état actuel des connaissances, les particules supérieures à 100 nanomètres sont considérées comme inoffensives puisqu’elles ne peuvent pas être absorbées par les coraux. Une étude américaine publiée en 2018 s’est à nouveau penchée sur la nocivité de ces deux substances (oxyde de zinc et dioxyde de titane) lors de tests en laboratoire. Résultat : les nanoparticules d’oxyde de zinc non revêtues provoquent un blanchiment rapide et préoccupant du corail. Non seulement elles perturbent des symbioses fragiles mais elles augmentent aussi les concentrations microbiennes dans l’environnement immédiat des récifs coralliens. En revanche, deux formes connues de dioxyde de titane modifié n’ont entraîné que des changements minimes. Néanmoins, selon l’État américain d’Hawaï, le dioxyde de titane n’est pas biodégradable et réagit dans les eaux plus chaudes pour former du peroxyde d’hydrogène, qui quant à lui est nocif.

Entre temps, on prend de plus en plus conscience de la nocivité des filtres UV chimiques, en particulier pour l’écosystème marin et ses habitants. De plus en plus d’États songent à interdire certaines substances contenues dans les filtres UV, comme Hawaï qui a pris des mesures d’interdiction qui entreront en vigueur dès 2021, mais pour le moment, cela n’affecte que la vente de tels produits dans l’archipel. Key West dans l’État américain de Floride et l’État de Palau dans le Pacifique ainsi que Bonaire dans les Caraïbes envisagent également des mesures d’interdiction pour protéger les récifs coralliens. Et les stations balnéaires populaires du Mexique incitent désormais les gens à éviter d’utiliser de tels produits anti-UV.

 

Bien protégé en toute bonne conscience

Il est donc souhaitable d’éviter les produits de protection solaire contenant des substances nocives pour l’environnement. Les formulations sans filtre de protection UV dangereux offrent à l’industrie cosmétique une nouvelle opportunité de promouvoir les protections solaires. Les filtres UV sans danger pour les récifs, les coraux ou les océans pourraient influencer de manière significative les habitudes de consommation à l’avenir. Car une clientèle particulièrement soucieuse de l’environnement sera de plus en plus attentive au label « reef-safe », en accord avec ses convictions écologiques. Cependant, il faut savoir que ce label n’est encore lié à aucune certification et n’est ancré légalement dans aucun pays même si les consommatrices et consommateurs l’assimilent aux filtres UV « sans filtres chimiques nocifs ».

La protection UV par pulvérisation est certes pratique mais elle est plus nocive pour l’environnement qu’une lotion ou une crème appliquée directement sur la peau

La protection UV par pulvérisation est certes pratique mais elle est plus nocive pour l’environnement qu’une lotion ou une crème appliquée directement sur la peau

Préférer la crème à la pulvérisation

Si vous voulez profiter du soleil en étant bien protégé mais sans nuire à l’environnement, utilisez des produits appropriés et appliquez-les avec soin. Avec les protections solaires sous forme de spray, une partie du produit pulvérisé atteint toujours le sol et ces molécules sont emportées dans les cours d’eau. Une crème ou une lotion, en revanche, ne va que là où elle est censée aller : sur la peau. On se protège aussi du soleil en portant des vêtements : plus on en porte, moins il est nécessaire de recourir aux protections anti-UV qui ne se  retrouveront donc pas dans l’eau. Une autre astuce : veillez à ce que le produit que vous employez pour vous protéger des rayons UV soit très résistant à l’eau, il aura ainsi moins tendance à se diluer et restera plus longtemps sur votre peau.

 

 

 

 

Britta John est écrivaine indépendante et journaliste Beauté. Collaboratrice de longue date pour KOSMETIK international, elle s’intéresse aux cosmétiques, aux parfums et à la mode, notamment dans les numéros phares de la presse professionnelle et de la presse grand public.
britta@bfbeauty.de  

 

 

Texte: Britta John

Photos: stock.adobe.com (3), Britta John (1)

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